Grâce aux progrès de l’intelligence artificielle, des chercheurs japonais ont récemment réussi à recréer en trois dimensions un bas-relief ancien, autrefois visible au temple Borobudur en Indonésie, à partir d’une unique photographie en noir et blanc prise il y a 134 ans.
Cette réalisation ouvre de nouvelles perspectives pour la préservation numérique des patrimoines culturels, particulièrement pour des œuvres perdues, endommagées ou cachées. Retour sur cette avancée révolutionnaire, fruit de plusieurs années de recherche et d’innovation en intelligence artificielle.
Les progrès en intelligence artificielle bouleversent la manière dont les chercheurs préservent et restaurent le patrimoine culturel mondial.
Récemment, une équipe de Ritsumeikan University au Japon, dirigée par le professeur Satoshi Tanaka, en collaboration avec des chercheurs de l’Université des Sciences et Technologies de Pékin, a mis au point une technique de reconstruction en trois dimensions, basée sur des photographies anciennes.
Cette méthode a permis de redonner vie à un bas-relief du temple Borobudur en Indonésie, capturé en 1889 puis recouvert pour stabiliser l’édifice.
Publiée dans les Proceedings of the 32nd ACM International Conference on Multimedia, cette étude montre comment une photo unique peut désormais restituer des détails fins et une profondeur inédite dans des œuvres partiellement ou totalement inaccessibles, ouvrant ainsi de nouvelles voies pour explorer virtuellement des trésors artistiques longtemps perdus.
Borobudur et l’histoire du bas-relief caché
Le temple de Borobudur se situe sur l’Ile de Java, en Indonésie. Composé de 2 672 panneaux en relief, il est le plus grand temple bouddhiste au monde et inscrit au patrimoine mondial de l’UNESCO.
Chaque relief raconte des scènes variées, allant des enseignements bouddhistes aux représentations de la vie quotidienne de l’époque.
Cependant, à la fin du XIXe siècle, lors de travaux de restauration et de renforcement du temple, certains de ces bas-reliefs au niveau du sol ont été dissimulés sous des murs de protection, en raison de la fragilité des structures.
L’un de ces reliefs cachés représentait des personnages en costumes traditionnels et des éléments naturels. Il avait été photographié en 1889 avant d’être à jamais recouvert et inaccessible aux yeux des archéologues et des visiteurs.
Ce bas-relief resta partiellement préservé dans cette vieille photographie en noir et blanc. Les tentatives précédentes de numérisation et de reconstruction se sont heurtées à la difficulté de restituer la profondeur et les détails complexes du relief. En effet, les technologies disponibles à l’époque n’étaient pas adaptées pour capturer des nuances aussi subtiles.
C’est là que l’équipe de chercheurs dirigée par le professeur Satoshi Tanaka a fait une avancée significative. Grâce à l’utilisation d’un réseau de neurones développé spécifiquement pour la restauration 3D, les chercheurs ont pu reconstituer ce bas-relief à partir de la photo de 1889.
Une méthode innovante pour capter la profondeur : le détecteur de « contours doux »
Ainsi, ce réseau d’intelligence artificielle est capable d’aller au-delà de la simple analyse de la structure visible.
Il identifie les variations subtiles de profondeur dans les reliefs. En effet, ce système utilise une technologie avancée de détection des « contours doux ». Cette méthode permet de capter les transitions progressives de la courbure de la surface.
Les techniques traditionnelles se concentrent sur les variations de luminosité ou de contraste. Ici le réseau de neurones de Tanaka peut détecter les changements progressifs de la profondeur.
Cette approche innovante permet ainsi d’accéder à un niveau de précision inédit dans la reconstitution des reliefs, comme le souligne le professeur Tanaka : « « Notre réseau neuronal multitâche a réussi à reconstituer ces sections cachées des reliefs de Borobudur à partir de vieilles photographies conservées.
Grâce à la visualisation par ordinateur et à la réalité virtuelle, nos recherches permettent désormais l’exploration virtuelle de ces trésors invisibles ». Grâce à cette technologie, les détails les plus fins, tels que les expressions faciales et les ornements vestimentaires, peuvent être restitués avec une exactitude impressionnante.
La reconstruction donne accès à des éléments artistiques et historiques perdus depuis plus d’un siècle.
En un sens, les scientifiques ont créé un stéréoscope du XXIe siècle. Le mois dernier, lors de la 32e édition de la conférence ACM Multimedia , l’équipe a présenté sa preuve de concept.
(Agence)