Commémorant le troisième anniversaire du début de la révolte qui a mené à la chute d’Omar Al-Bachir, des dizaines de milliers de manifestants ont défilé dans les rues de Khartoum et de tout le pays contre le nouveau pouvoir militaire.
La date est restée gravée. Le 19 décembre 2018, dans la ville d’Atbara, à 250 kilomètres au nord de Khartoum, l’antenne locale du Congrès national, le parti du président Omar Al-Bachir, était incendiée par des manifestants réclamant la chute du régime, après le triplement du prix du pain. La révolte s’était alors propagée comme une traînée de poudre, menant, cinq mois plus tard, le 11 avril, à la chute du dictateur.
« Nous avons fait tomber un régime installé depuis trente ans. Pourquoi ne ferions-nous pas tomber une junte installée depuis deux mois ? », lance un manifestant gonflé d’optimisme, alors que des dizaines de milliers de personnes se sont massées, dimanche 19 décembre, au cœur de Khartoum, pour dénoncer le coup d’Etat mené, le 25 octobre, par le général Abdel Fattah Al-Bourhane.
Sur l’avenue menant au palais présidentiel, les cortèges ont d’abord été refoulés par une pluie de gaz lacrymogènes et des tirs de sommation. Les forces armées, la police et les miliciens des Forces de soutien rapide avaient été déployés massivement pour bloquer les grands axes de la capitale.
Euphorie de courte durée
Rejoint par les manifestants venus de Omdourman et Bahri, les villes jumelles de Khartoum, qui ont réussi à forcer le passage, la foule a fini par se frayer un chemin jusque devant les grilles du pouvoir. Pendant quelques heures, les militants prodémocratie ont cru que tout était possible. Hommes, femmes, enfants, toutes classes sociales confondues, certains venus en bus de tout le pays, ont réclamé un pouvoir civil.
« L’armée est celle du Soudan, l’armée n’est pas celle de Bourhane », s’époumone un manifestant devant une poignée de soldats de l’armée régulière, cigarette au bec, fusils en bandoulière, juchés sur des véhicules blindés qui ont ouvert le passage devant la foule. « On n’a pas de problème avec l’armée en tant qu’institution. Mais ce gang de généraux qui ont pris le pouvoir pour protéger leurs propres intérêts doit finir derrière les barreaux et l’armée doit sortir de la politique », résume une manifestante, Mariam Ishaq, les doigts levés en signe de victoire.