Les récentes découvertes archéologiques en Arabie saoudite remettent en question les idées préconçues sur les modes de vie néolithiques dans cette région. Les chercheurs ont mis au jour des structures circulaires en pierre datant de 7 000 ans, suggérant une société beaucoup plus avancée et stable que ce que l’on pensait auparavant.
À ce jour, on sait peu de choses sur les populations vivant dans le nord-ouest de l’Arabie saoudite au Néolithique.
D’autant que cette région est souvent perçue comme un vaste désert, parsemé de quelques oasis, mais les récentes découvertes archéologiques remettent en question cette vision simpliste. Des recherches menées par des équipes de l’Université de Sydney et de l’Université d’Australie-Occidentale, publiées dans la revue Levant, révèlent une société néolithique complexe et prospère dans la région d’AlUla.
Ces fouilles ont mis au jour des structures circulaires en pierre, datant de 7 000 ans, qui servaient de maisons. Ces découvertes apportent un nouvel éclairage sur la vie et les capacités d’adaptation des anciennes communautés de cette région, soulignant une organisation sociale et technologique bien plus avancée qu’on ne le pensait.
Des structures circulaires sophistiquées
Les fouilles archéologiques dirigées par Jane McMahon de l’Université de Sydney ont permis de découvrir 431 cercles de pierre dressées dans la région d’AlUla.
Ils se situent dans le champ de lave de Harrat ‘Uwayrid. Des relevés aériens par hélicoptère ont permis d’identifier des exemples d’habitations sur 40 000 kilomètres carrés de désert de basalte et de sable.
Des drones ont également été utilisés pour réaliser des plans des sites, dont certains s’étendent sur près de trois hectares. Huit de ces structures, minutieusement étudiées, semblent avoir servi de maisons.
Des colonnes en bois, probablement en acacia, devaient soutenir des portes et des toits. Des dalles de basalte érigées verticalement constituaient les murs extérieurs des cercles. Ils avaient un diamètre de quatre à huit mètres.
Ces découvertes démontrent une sophistication architecturale inattendue pour l’époque. Elles suggèrent une compréhension avancée de la construction et de la durabilité.
Les pierres massives pouvaient peser jusqu’à une tonne et se trouvaient agencées de manière à créer des structures solides et pérennes. McMahon souligne que ces structures ne sont pas simplement des abris temporaires, mais des habitats où se déroulaient diverses activités.
On pouvait y trouver la fabrication d’outils en pierre, la cuisine et le traitement des peaux d’animaux. « Ces structures formaient des foyers actifs », affirme McMahon. « Les habitants y fabriquaient des outils, préparaient leur nourriture et travaillaient les peaux des animaux qu’ils élevaient ». Ils y vécurent plus de 1000 ans.
Une société néolithique prospère en Arabie
Les découvertes révèlent que les habitants de cette région étaient donc bien plus organisés et résilients qu’on ne le pensait.
L’analyse des restes d’animaux montre une alimentation principalement composée d’espèces domestiquées, comme les chèvres et les moutons. Elle se voyait complétée par la chasse d’espèces sauvages telles que les gazelles et les oiseaux.
Cette diversité alimentaire témoigne d’une capacité d’adaptation notable aux changements environnementaux. Elle permettait aux habitants de maintenir une alimentation stable malgré les variations climatiques. Cette adaptabilité s’étendait également à leur utilisation des plantes. Ils ont laissé derrière eux de nombreuses meules – des dalles de basalte usées par le broyage des herbes sauvages et des plantes locales.
Les vestiges montrent également l’utilisation de moutons et de chèvres pour le lait et la laine, suggérant une exploitation intégrée des ressources animales. Les outils de basalte trouvés sur le site, utilisés pour le traitement de la viande et des peaux, indiquent une spécialisation dans la fabrication d’outils et la préparation de nourriture, comme mentionné précédemment. Ils renforcent cette idée d’une communauté bien organisée.
Les chercheurs ont également trouvé des ornements en pierre et des bijoux. Ces derniers comprenaient des bracelets et des pendentifs en pierre polie. Ils montrent que les habitants avaient des connaissances avancées en matière de sculpture et de décoration. En outre, la présence de coquillages de la mer Rouge, située à environ 120 kilomètres, suggère des échanges commerciaux ou des voyages sur de longues distances.
Certes, ces éléments démontrent une société capable de s’adapter à son environnement immédiat. Mais ils dévoilent surtout une société connectée à un réseau plus vaste de cultures et de ressources.
Mobilité et sédentarité
Contrairement à l’idée reçue de populations constamment en mouvement, les preuves montrent que ces communautés pouvaient s’établir durablement en certains endroits. Jane McMahon explique que les structures en pierre, difficiles à déplacer, suggèrent une certaine stabilité des habitations. Ces cercles de pierres, avec leurs fondations robustes en dalles de basalte, démontrent que les habitants investissaient du temps et des ressources pour créer des habitats permanents.
Cependant, ces communautés pratiquaient probablement une forme de nomadisme pastoral. Elles se déplaçaient périodiquement pour trouver de nouvelles pâtures pour leurs troupeaux de chèvres et de moutons. Cette combinaison de sédentarité et de mobilité saisonnière montre, là aussi, une adaptabilité remarquable à leur environnement, permettant une exploitation optimale des ressources naturelles.
Les découvertes montrent aussi des échanges culturels avec les régions voisines, comme le Levant, attestés par des similitudes dans les outils et les pratiques architecturales. Hugh Thomas, co-auteur, souligne que ces échanges pourraient expliquer l’introduction de nouvelles techniques et de nouvelles espèces domestiquées dans la région. Par exemple, les pointes de flèches et les outils en pierre découverts à AlUla présentent des caractéristiques similaires à ceux trouvés en Jordanie et en Syrie.
Cela indique, sans contexte, des interactions et des influences mutuelles, tout comme les coquillages de la mer Rouge. Ces interactions culturelles et économiques ont d’une part enrichi les pratiques locales. D’autre part, elles ont permis l’introduction de nouvelles idées et technologies. Cela contribua ainsi à la prospérité et à la complexité de ces sociétés néolithiques.
Implications pour la compréhension du néolithique en Arabie
Ces découvertes enrichissent la compréhension du néolithique en Arabie saoudite. Elles démontrent que les habitants de la région d’AlUla possédaient des connaissances avancées en architecture et en gestion des ressources.
La présence de structures domestiques élaborées et de divers artefacts montre une société capable de s’adapter et de prospérer dans un environnement aride. Le travail de McMahon et de son équipe, financé par la Royal Commission for AlUla, continue de révéler des aspects inconnus de la vie néolithique en Arabie saoudite.
Il remet en question les perceptions traditionnelles. Ils ouvrent la voie à de nouvelles recherches sur cette période fascinante de l’histoire humaine.
R.I.